Adapté, partagé - Le logement et Alzheimer

► Une voie vers plus d'inclusion

 Du « chez soi » au droit d’habiter

« VAIS-JE POUVOIR RESTER CHEZ MOI ? »

Quand le diagnostic tombe, toute personne atteinte de la maladie d’Alzheimer ou d’un trouble associé et ses proches se posent inévitablement cette question. Car, à l’heure où les repères se perdent progressivement, le domicile est avant tout un repaire rassurant (P. 6-7). Reste à l’adapter. Or, la prévention est le maillon faible de l’accompagnement en France, comme le prouve la chasse perpétuelle aux financeurs pour pérenniser les postes d’ergothérapeutes à temps complet, garants de l’adaptation nécessaire du logement, puis de son appropriation (P. 16).
La question de l’habitat ne se résume toutefois pas au domicile. Il peut, selon la dépendance, prendre la forme d’un hébergement en Ehpad ; à condition que la dimension domiciliaire soit prise en compte. Depuis plusieurs années, de nombreux directeurs se sont saisis de cette problématique dans un contexte de détérioration de l’image des établissements. Certains ont opté pour le Design Thinking (P. 21). Derrière ce terme anglais se cache une adaptation qui s’appuie sur l’observation et l’écoute des professionnels et des résidents. Avec la volonté de réinventer les repères, de gommer au maximum l’institution, d’humaniser l’habitat.

DERRIÈRE « CHEZ MOI », PLUSIEURS OPTIONS.

D’autres tentent de relever le défi lors d’une reconstruction. C’est le cas d’un Ehpad public dans la Marne, avec la volonté d’une structure ouverte à tous comprenant de nouveaux espaces, des tiers-lieux où des étudiants, des locataires, des personnes en formation, des habitants peuvent côtoyer des résidents. Un engagement porté par la directrice, mais freiné par des financeurs frileux et draconiens en matière de normes sanitaires (P. 22-23).
Méconnue, une troisième voie est née dans le Morbihan dans les années 1990, avec des habitats partagés où huit personnes souffrant de troubles cognitifs vivent en colocation (P. 24). Depuis, quelques projets ont essaimé dans la région lilloise avec les maisons Ama Vitae, en région parisienne ou en Alsace, non sans difficultés… Même si les textes législatifs apportent des réponses, notamment avec la création en 2021 de l’aide à la vie partagée avec pour conséquence l’émergence du nouveau métier d’animateur du projet de vie sociale et partagée qui ne dispose d’aucune formation (P. 38-39). Si l’habitat inclusif semble séduire les habitants et les professionnels, heureux d’avoir enfin le temps de bien accompagner et d’avoir de nouvelles responsabilités partagées, des freins sont encore nombreux : offre limitée sur le territoire, peu de demandes et reste à charge rédhibitoire. Tant que ces projets ne seront que des expérimentations, les financements resteront fragiles (P. 12-13).

CHANGER DE REGARD ET DE MODÈLE.

Domicile, accueil familial, Ehpad, unités protégées, accueil temporaire, habitats inclusifs… Comment trouver son chez-soi, quand la société tout entière porte un regard dévalorisant et infantilisant sur les personnes souffrant de troubles neurocognitifs ? Comment vivre en toute liberté quand le domicile est fermé à clef ou lorsque l’unité de vie est accessible avec un digicode ? (P. 8-9). Au-delà des questions d’architecture, d’adaptation, c’est la culture organisationnelle qu’il faut changer. Penser compétences plutôt que dépendances. Voilà le chemin qui reste à faire (P. 31). Car le droit d’habiter, si cher à Denis Piveteau, ne se résume pas à un toit mais à un pouvoir de choix, de décision, à une vie à l’extérieur. L’approche devra être transversale et pas uniquement sanitaire ou médico-sociale (P. 40-41).

  • Sommaire

ÉTAT DES LIEUX

  • Et si l’institution accélérait la vulnérabilité ? Laurence Hardy, sociologue et anthropologue (P.4-5)
  • Un repaire, des repères, Philippe Giafféri, ancien formateur et conférencier (P.6-7)
  • Sécurité et inclusion : une relation impossible ? Manon Labarchède, architecte(P.8-9)
  • Une troisième voie est possible, Laëtitia Ngatcha-Ribert, sociologue, Fondation Médéric Alzheimer(P.10-11)
  • Colocation : un autre « chez-soi », Laëtitia Ngatcha-Ribert, sociologue, Fondation Médéric Alzheimer (P.12-13)
  • Alur, Elan et 3DS dessinent un contour, Étienne Bataille et Muriel Cormorant, avocats (P.14-15)

 

SUR LE TERRAIN

  • Prévenir et sécuriser, Margaux Guimard, ergothérapeute ESA-MNE, Cloé Gauthier, ergothérapeute de prévention et Astrid Nier, chef de service Eliad (P.16)
  • « Chez soi » malgré l’adaptation des espaces, Olivier Marousé, ergothérapeute, responsable du centre d’information et de conseil sur les aides techniques, Fondation Bompard (P.17)
  • L’architecture gérontologique, Louis Ploton, professeur émérite de gérontologie (P.18)
  • Entre rêve et réalité, Nathalie Benarroch-Queral, psychologue gérontologue (P.19-20)
  • L’innovation par le design social, Alexandra Mathieu, directrice d’Ehpad (P.21)
  • Oser reconstruire différemment, Françoise Desimpel, directrice d’Ehpad public en retraite (P.22-23)
  • Les pionniers, Romain Aubron, directeur général association Clarpa 56 (P.24)
  • Un long chemin, Alexandre Schmitt, cofondateur de la maison des sages (P.26)
  • Le lien créateur de « responsabilité partagée », Valérie Monge, Néné Djouhé Diallo, Lou Bia, auxiliaires de vie, et Isabelle Vignaud, coordinatrice habitat partagé Biens Communs (P.27-28)
  • Ama Vitae, des habitants actifs, Sarah Parmentier, directrice de l’association Ama Vitae, Ornella Dante, responsable du service mandataire, Dorothée Poignant, Sylvie Lenfant, Arnaud Rousseaux, fondateurs du projet Ama Vitae (P.29)
  • La coloc’ du Grand 8, Bernadette Paul Cornu, codirigeante du groupe associatif Familles solidaires (P.30)
  • Changer de modèle, Nicole Poirier, fondatrice de Carpe Diem au Québec et formatrice (P.31)

 

MISE EN PERSPECTIVE

  • Domicile et droit de cité, Marion Villez, enseignante-chercheuse en sociologie, université Paris-Est Créteil (Upec) UFR Sess-Staps, Lirtes. Coresponsable pédagogique de la licence coordination d’établissements et services pour personnes âgées et du master direction d’établissements et services pour personnes âgées (Upec-INFA) (P.32-33)
  • Envisager l’inclusion par les habiletés, Kevin Charras, docteur en psychologie et directeur du living lab vieillissement et vulnérabilités, CHU de Rennes (P.34-35)
  • Jardin et potager : catalyseurs du lien social, Stéfane Hédont-Hartmann, responsable qualité Korian et Anne-Cécile Joode, responsable stratégie et marketing Myfood (P.36-37)
  • L’enjeu majeur des nouveaux métiers, Stéphane Corbin, directeur adjoint de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (P.38-39)
  • Une évidence, une militance, une compétence, Denis Piveteau, conseiller d’État (P.40-41)

 

Hors-série ASH N° 23 - Novembre 2022 - 44 pages
11,50
(ref: 1DACH0023)