HS ASH ALZHEIMER

ALZHEIMER

► Relayage - Baluchonnage, La France dans les pas du Québec

 Aidé-aidant-baluchonneur : comment tous les protéger ?

1999-2019 : DIX ANS DE COMBAT.

Des aidants prisonniers de leur domicile, qui ne peuvent plus s’absenter, ne trouvent plus le sommeil et peinent à trouver du temps pour manger. C’est la réalité du quotidien de nombreux proches accompagnant une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer ou de troubles associés. Pendant longtemps, ils tiennent grâce au soutien occasionnel d’une auxiliaire de vie qui va passer une heure par semaine, puis de plus en plus souvent. Mais le reste du temps – et il peut être long – l’aidant est seul sur le pont. Et ça tangue (P. 12). Face à cette situation, Marie Gendron, alors universitaire au Québec, a révolutionné l’accompagnement à domicile avec une simple question posée : « Accepteriez-vous que je vous remplace quelques jours pour que vous puissiez vous reposer ? » La réponse ne s’est pas laissé attendre. Et l’aventure baluchon est née avec la création d’un nouveau métier : baluchonneur (P. 4-5). En France, quelques doux rêveurs ont regardé avec envie cette nouvelle pratique se développer. Et pourquoi ne pas l’exporter dans l’Hexagone, comme l’a fait naturellement la Belgique ? Le seul hic : les règles liées au droit du travail qui protègent les travailleurs. Alors comment imaginer l’intervention d’un professionnel jusqu’à six jours d’affilée sans aucune pause ? Mais comme à l’impossible nul n’est tenu, ils n’ont pas fait que rêver. Ils se sont organisés et ont multiplié les actions de lobbying. Et contre toute attente, ils ont obtenu la possibilité d’expérimenter pour deux ans le relayage dans le cadre d’un appel à projets porté en 2018 par la direction générale de la Cohésion sociale (P. 8-9) qui a été reconduit jusqu’en décembre 2023. Avec une condition : ce sont les services à domicile du secteur privé et non pas les Ehpad qui portent cette expérimentation. On peut d’ailleurs s’interroger sur ce choix. Pourquoi exclure les Ehpad qui ont des ressources de professionnels et qui ont l’habitude des réunions pluridisciplinaires ? (P. 23)

À L’ÉPREUVE DU TERRAIN…

Quarante services ont été retenus pour tester le relayage. Tous conscients des besoins sur le terrain, mais, pour certains, cela a parfois été la douche froide (P. 19). L’État a accordé une dérogation du droit du travail, mais pour le reste : le management, l’organisation et le financement… chacun devait se débrouiller seul. Certains ont décidé de ne pas proposer une offre de relayage mais une solution de baluchonnage. Avec quelles différences ? Ne se limitant pas au répit, le baluchonnage est une philosophie défendue par un cahier des charges drastiques avec la volonté de protéger la personne aidée, l’aidant, mais aussi le baluchonneur (P. 6-7). Tous ont dû prendre leur bâton de pèlerin ; certains Départements ont accordé des financements, mais pas tous (P. 20). Les mutuelles et autres retraites complémentaires ont mis la main à la poche. Mais quelle perte de temps pour les porteurs de projets et quelle iniquité sur le territoire pour les aidants, dont les restes à charge peuvent les faire renoncer alors que tous sont épuisés.

DES APPRÉCIATIONS DIVERGENTES

Pour les baluchonneurs, c’est le bonheur retrouvé de prendre enfin son temps (P. 21). Du côté des partenaires sociaux, l’enthousiasme est pour le moins mesuré, défendant plutôt « l’aide aux aidants et l’accueil de jour de proximité » (P. 27-28). Mais si c’était si simple ! Les experts le savent. À un moment donné, quand la maladie progresse, le seul fait de quitter son domicile devient impossible car trop perturbant et excédant les capacités d’adaptation (P. 10-11). Alors quelle solution ? Laisser les aidants dépérir ? Testée et bien encadrée, la formule a fait ses preuves (P. 18). Reste à la faire connaître, à la financer et à l’aider à se développer avec éthique et exigence (P. 29). Et pourquoi limiter le plan d’aide aux personnes vulnérables au lieu de privilégier un système qui réponde à la prise en charge du binôme aidée-aidant ? (P. 40-41) C’est une piste qui doit être défendue et explorée à l’heure où le nouveau quinquennat s’ouvre et où la loi grand âge (attendue depuis trois mandats) ne pourra pas faire l’impasse sur le domicile, plébiscité par une écrasante majorité de Français qui souhaitent y vivre et y mourir.

  • Sommaire

ÉTAT DES LIEUX

  • Une naissance non annoncée, par Marie Gendron, infirmière, chercheuse en gérontologie et fondatrice de Baluchon Alzheimer Québec (P.4-5)
  • De l’expérience à l’expérimentation, Frédérique Lucet, psychologue clinicienne et formatrice (P.6-7)
  • Le droit au répit en période d’essai, Étienne Bataille et Muriel Cormorant, avocats (P.8-9)
  • L’intérêt de s’adapter au handicap cognitif Judith Mollard, psychologue clinicienne (P.10-11)
  • Des aidants à risque, Julie Costantini, La Compagnie des aidants (P.12)
  • Les proches à l’épreuve de la crise sanitaire, Franck Guichet, sociologue EmiCité (P.13)
  • Ni social ni politique : un trio au coeur du domicile, Philippe Giafféri, écrivain, ancien formateur ( 14-15)

SUR LE TERRAIN

  • Réussir au-delà des résistances, Marie-Pascale Mongaux, directrice d'Ehpad et présidente de Baluchon France (P.16-17)
  • Baluchonner à la française, Sophie Lagüe, responsable développements et partenariats Aidomi (P.18)
  • "Qu'on me donne les moyens d'expérimenter le ralayage !", Marie Poncet, directrice SMD (P.19)
  • Contre vents et marées, Lyna Aoudia, Amicial, Annie Faderne, Génération à domicile et Sofiane Mediene, Auxilife (P.20)
  • Prendre enfin son temps..., Julie Almodovar et Flore Pédia, baluchonneuses (P.21)
  • Une expérimentation pérennisée localement, Sébastien Piedfert, directeur Ehpad (P.22)
  • Ehpad hors les murs, le pistes pour demain, Peggy Forêt, directrice Ehpad (P.23)
  • Interventions de courte durée, Marie Etienne, pilote plateforme d'accompagnement et de répit (P.24)
  • Une expérience pas comme les autres, Axelle Bijou, gérante AD Séniors (P.25)
  • Des pierres de gué pour vivre ensemble à domicile, Edith Fournier, psychologue, professseure retraitée de l'université de Montréal et écrivaine (P.26)
  • Regards croisés, Jean-Marie Pujol, président d’association CDSEA 61 et membre de Nexem, Jocelyne Cabanal, secrétaire nationale CFDT, et Marianne Piskurski, ancienne directrice d’Aidomi et actuelle directrice générale Una  (P.27-28)
  • Plaidoyer pour l’avenir, Alain Koskas, fondateur et président du réseau Euro Québec de baluchonnage et ancien président de Baluchon France (P.29)
  • Pourquoi pas décloisonner l'offre d'accompagnement ? Nicole Poirier, fondatrice de Carpe Diem (P.30)
  • Favoriser l'émergence d'un modèle économique, Cloé Pillot Tonnelier, direction des activités sociales AG2R la Mondiale, parenariats et projets (P.31)

 

MISE EN PERSPECTIVE

  • La qualité au service des personnes, Cyril Desjeux, directeur scientifique Handéo et Aurélie  Pierre-Léandre, directrice Handéo services (P.32)
  • Du management à l'accompagnement, Frédérique Lucet, psychologue clinicienne et formatrice (P.33)
  • Bien encadrer pour pérenniser, Frédérique Lucet, psychologue clinicienne et formatrice (P.34)
  • S'intégrer sans désintégrer l'espace de l'autre, Stella Choque, cadre de santé et formatrice (P.35)
  • Des paroles et des actes, Dominique Gillot, ancienne présidente du CNCPH (conseil national consultatif des personnes handicapées) (P.36)
  • Du "chez-moi" au "chez-soi", Laurence Hardy, sociologue et anthropologue (P.38)
  • La solidarité intergénérationnelle, Stéfane Hédont-Hartmann, responsable de mission qualité, Korian (P.39)
  • A quand une prise en charge du binôme aidé-aidant ? Didier Duplan, ancien directeur général adjoint Fédération Adédom, retraité (P.40-41)
Hors-série ASH N° 17 - Mai 2022 - 44 pages
11,50
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