Consentement et maladie d'Alzheimer

► Liberté de choix empêchée ou guidée ?

Au moment du choix, qui décide vraiment ?

UN CONSENTEMENT A GEOMETRIE VARIABLE.

Comment se positionner face à une personne dont la maladie empêche toute réflexion, tout raisonnement ? Alors faire des choix ? Quand les capacités de discernement et de jugement s’altèrent, quand la maladie progresse inexorablement, quand son caractère, ses attitudes sont impactés… la personne aidée va petit à petit changer. Comment écouter la voix de celles qui ne parlent plus ou qui ne parviennent pas à se faire comprendre ? Au-delà des textes législatifs, le mot consentement est sur toutes les lèvres mais peine à prendre toute sa place au quotidien. A l’heure où les services à domicile et les établissements affirment haut et fort « respecter » le choix des personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer, force est de constater que les contradictions sont légion.  Que dire des entrées en Ehpad réalisées en urgence, sans explication ou accompagnées d’un mensonge : « c’est juste pour quelques jours ! ».  Que dire quand l’habitant ou le résident (selon le vocabulaire utilisé par les équipes) refuse de se doucher tous les matins alors que la famille l’exige : « elle qui a toujours été si soignée ! » et que le règlement intérieur le préconise : « on ne va pas pouvoir éviter la douche indéfiniment ! ». L’autonomie décisionnelle s’arrête-t-elle aux portes de la perte d’autonomie cognitive ?

PRESOMPTION DE COMPETENCES.

Au moment du choix, seule le ou la principal(e) intéressé(e) devrait choisir, à condition de reconnaitre sa présomption de compétences. Or à domicile comme en établissement, 1001 contraintes et « bonnes » raisons font trop souvent peser la balance du côté des aidants au dépend des aidés, des incapacités au dépend des capacités. Qu’il est tentant de tout décider pour leur bien, pour les protéger. En toute bonne conscience. Et progressivement, en prétextant bien les connaitre, les questions ne leur seront même plus posées. Considérés comme incapables, ils sont en réalité rarement entendus… et même oubliés des échanges. Quant aux directives anticipées et aux personnes de confiance prévues par la loi, elles restent insuffisamment connues et utilisées. Et quand les personnes atteintes de troubles neurodégénératifs s’expriment enfin, leurs réactions sont qualifiées de comportements d’opposition qu’il faut étouffer et non observer et comprendre. Mais que nous disent-ils ? Qu’ils sont des adultes dont on doit respecter les choix. C’est justement au moment des pertes cognitives que ces pertes empêchent parfois de ne pas sombrer. Il ne s’agit pas de réduire la vie à des décisions anodines, mais de laisser le temps et la possibilité à la personne d’exprimer ses préférences.

« DEMENTIA-FRIENDLY »

Face aux injonctions sécuritaires, aux difficultés quotidiennes, trouver le juste équilibre entre l’interventionnisme et la toute-puissance des professionnels et le laisser-faire et la liberté de choix n’est pas facile. Une des réponses ne peut venir que de questionnements menés en équipes pluridisciplinaires autour du sens du mot consentement. Puis viendra le temps de la recherche de l’assentiment, par l’observation d’un sourire, d’une grimace, d’un froncement de sourcils… A partir du moment où une meilleure connaissance de la maladie est assurée. Et pas uniquement dans les domiciles concernés et les établissements spécialisés. La liberté de choix ne doit pas se cantonner aux soins… mais bien aux besoins quotidiens. Et pour que la société bascule dans le mouvement « Dementia- Friendly », un long chemin reste à parcourir. Certains pionniers ont déjà pris leurs bâtons de pèlerins et ouvrent la voie.

  • Sommaire

ÉTAT DES LIEUX

  • Apprendre à choisir, Philippe Giafféri, conférencier et écrivain
  • Les spécificitées des troubles neurocognitifs, Hacène Alloui, médecin coordinateur
  • Le discernement en question, Louis Ploton, psychiatre et ancien Professeur émérite de gérontologie 
  • Cheminer par étapes, Bernard Poch, psychogériatre et membre de la Fédération 3977 contre les maltraitances
  • Corps et liberté d'expression, Nathalie Benarroch-Queral, psychologue gérontologue
  • Même dans la disposition de ses biens, Alain Bérard, directeur adjoint Fondation Médéric Alzheimer
  • Comprendre et décider, Etienne Bataille et Muriel Cormorant, avocats

SUR LE TERRAIN

  • Impuissance face au non-respect du choix des usagers, Axelle Bijou, responsable d'agence service à domicile
  • Savoir partir quand on nous le demande, Sarah Martin, auxiliaire de vie
  • Les 1001 tracas du quotidien, Virginie N'Guyen, infirmière coordinatrice du Centre de Ressources Territorial du pays Salonais,Delphine Jegou co-gérante et Morgane Schott référente prévention SAAD Majordome Services, Manon Valenza, directrice Ehpad l’Esterel et Stéphane Blanchard Directeur d’Ehpad, vice-président du CCAS de Salon de Provence
  • Un défi quotidien, Marie Etienne, pilote plateforme de répit et d'accompagnement
  • Ne serait-ce qu'un petit choix, Véronique Tapia, assistante de soins en gérontologie et formatrice
  • A l'écoute du silence, Richard Mesplède, formateur et ancien animateur en Ehpad
  • L'autodétermination en question, Stella Choque, cadre de santé et formatrice
  • L'envie et le plaisir de manger, Sabine Soubielle, directrice de l'Institut Gineste-Marescotti Restauration (Humanitude Restauration)
  • Pour quelle acceptation ?, Françoise Desimpel, directrice d'Ehpad en retraite
  • Libre de croire, Manuella Deltour, aumônier
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MISE EN PERSPECTIVE

  • Environnement hospitalier et qualité du recueil du consentement des soins, Alain Bérard, directeur adjoint Fondation Médéric Alzheimer
  • Tu veux ou tu veux pas ?, Charline Robert, psychologue
  • Par-delà le désir, la décision, Cécile Bacchini, psychologue
  • Que faire du désir sexuel ?, Salomé Tonna, psychologue
  • Le nécessaire changement de paradigme, Alain Koskas, président de la Fédération internationale des associations des personnes âgées
Hors-série ASH N° 35 - Novembre 2023 - 44 pages
12,50
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