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DOMICILE

► La maltraitance, entre méconnaissance et invisibilité

 Le domicile idéalisé

HUIS CLOS ET SILENCE ASSOURDISSANT.

Vivre chez soi, heureux et protégé, loin des scandales de maltraitance révélés ces derniers mois dans de nombreux Ehpad. Décider de tout, être libre de ses mouvements, ne pas subir une vie collective. Cette image d’Épinal se ternit dès que la dépendance s’installe, que ce soit en raison de l’âge, d’une maladie neurodégénérative ou encore d’un handicap. 73 % des alertes de maltraitance reçues par la Fédération 3977 ne concernent pas les établissements médico-sociaux, mais bien le lieu de l’intime : le domicile (p. 24-25). Et là, c’est la loi du silence qui règne en maître. Dans le huis clos familial, les situations demeurent méconnues ou tout simplement tues avec des signaux difficiles à détecter pour des professionnels pas forcément formés et armés, même s’ils ont été au préalable sensibilisés face aux risques (p. 4-5). Au-delà des faits de violences physiques, heureusement minoritaires, il y a cette maltraitance dont on ne dit rien et qui est pourtant bien réelle : relation de subordination, d’assujettissement, d’asservissement de la personne aidée (p. 6-7). La dépendance et la proximité peuvent aussi conduire à un climat d’emprise. Et quand l’aidant devient maltraitant, c’est toute la structure familiale qui vacille (p. 21). Dans ce contexte, les obstacles sont nombreux pour que la parole de la victime se libère.

DÉFINIR POUR MIEUX PRÉVENIR.

Mais que se cache-t-il derrière ce mot qui fait si peur aux professionnels comme aux proches familiaux et que personne n’ose prononcer (p. 8-9) ? Paradoxalement, il aura fallu attendre février dernier pour que les experts tombent d’accord et énoncent une définition commune de la maltraitance (p. 30-31). Le vocabulaire et son lexique associé représentent une avancée notable. Tous s’accordent désormais sur le fait de dénoncer une atteinte portée à une « situation de vulnérabilité » et non pas à une personne vulnérable. L’enjeu est de mettre l’accent sur le rôle de l’environnement comme facteur aggravant ouvrant la voie d’une meilleure reconnaissance de la maltraitance institutionnelle et de l’exposition aux violences, par exemple des enfants, victimes indirectes et témoins. L’espoir est d’enfin faire progresser la prévention qui reste, en France, le maillon faible de la culture professionnelle.

UN SECTEUR A LA DÉRIVE.

Pour éviter tout acte maltraitant, l’urgence est aussi de mieux prendre en compte la fragilité des proches soumis à un risque accru d’épuisement (p. 32-33). Encore faut-il que les professionnels aient le temps d’observer, d’échanger, de détecter et d’orienter. Car, sur le terrain, les aides à domicile sont confrontées à des situations complexes. Seules et souvent le regard tourné sur leur montre, qui tourne toujours trop vite, comment peuvent-elles répondre à toutes les injonctions paradoxales qu’elles subissent ? Sans parler du regard porté sur elles. Quand leur travail est mal compris et mal considéré, elles sont également soumises à un risque de maltraitance insidieux (p. 36-37). Les directions doivent plus que jamais évaluer la souffrance au travail pour les préserver, au risque de perdre le peu de professionnels qu’il reste. Faire toujours plus avec moins (p. 40-41) conduit inexorablement à créer des conditions maltraitantes, faute de temps et de personnel suffisant. Les défis sont nombreux pour le secteur du domicile qui souffre et sort affaibli après deux années de crise sanitaire. À quand une promotion de la bientraitance comme boussole d’un accompagnement digne ?

  • Sommaire

ÉTAT DES LIEUX

  • Pénétrer le lieu de l'intime, par Muriel Salmona, psychiatre, présidente de l'association Mémoire traumatique et victimologie, membre de la Ciivise (P.4-5)
  • Souffrance invisible ou banalité du mal, Monique Carlotti, ancienne directrice service à domicile et ancienne formatrice (P.6-7)
  • Mais où sont mes gâteaux ? Anne Chervet, psychologue (P.8-9)
  • Revenir à l'essentiel, Philippe Giafferi, ancien formateur et écrivain (P.10-11)
  • Dans l'intimité dysfonctionnante d'un couple, Etienne Bataille et Muriel Cormorant, avocats (P.12-13)

SUR LE TERRAIN

  • Des "agressions" relatives mais répétées, Marcel Nuss, usager, écrivain et formateur (P.14-15)
  • Ella, Madeline et les plannings, Anne Rouzé, formatrice (P.16-17)
  • Contre mon gré, Sylvie Guillemot, auxiliaire de vie (P.18)
  • Une question de tempo, Florence Braud, aide-soignante et monitrice-éducatrice (P.19-20)
  • Aimants avant tout, Sonia Jabri, aidante et créatrice de My Extra'Box (P.21)
  • Rester chez soi, oui mais dans de bonnes conditions, Marie Etienne, pilote de plateforme répit et accompagnement (P.22)
  • De l'information à la formation, Alexis Descro, responsable pédagogique Compani (P.23)
  • L'expérience de la Fédération 3977, Bernard Poch, psychogériatre, Isabelle Gillet, responsable de la plateforme d'écoute et Pierre Czernichow, président de la Fédération 3977 (P.24-25)
  • La bientraitance dans la relation aidant-aidé, Stella Choque, cadre de santé et formatrice (P.26-27)

 

MISE EN PERSPECTIVE

  • "Pour son bien", au risque du non-choix, Laurence Hardy, sociologue et anthropologue (P.28-29)
  • Nommer pour combattreAlice Casagrande, présidente de la Commission nationale de lutte contre la maltraitance et de promotion de la bientraitance (P.30-31)
  • Entre quatre murs, Cécile Bacchini, psychologue (P.32-33)
  • Temps, "deuil blanc" et écoute, Julie Costantini, la Compagnie des aidants (P.34-35)
  • Se détacher des stéréotypes, Nathalie Benarroch-Queral, psychologue (P.36-37)
  • Maltraitance des enfants : un révélateur de nos choix de société, Nadège Sévérac, sociologue consultante spécialisée en protection des maltraitances intrafamiliales (P.38-39)
  • Des moyens et de la considération, Didier Duplan, ancien directeur général adjoint Fédération Adédom (P.40-41)
Hors-série ASH N° 18 - Juin 2022 - 44 pages
11,50
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