Fin de vie, mort et domicile

► Mieux accompagner les professionnels

À l'heure du dernier souffle

ENTRE MYTHE ET TABOU

Mourir chez soi, le plus tard possible, sans souffrir et entouré de ses proches. Une aspiration commune qui hélas se réalise rarement. A l’heure où la mort s’est spécialisée et médicalisée, la fin de vie se joue encore et toujours majoritairement à l’hôpital ou en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Si les différents textes législatifs ont favorisé la possibilité de finir ses jours dans son environnement familial avec le déploiement progressif de l’hospitalisation à domicile (HAD) et des équipes mobiles en soins palliatifs- largement insuffisantes sur l’ensemble du territoire-, force est de constater que cette option reste minoritaire en France. Et quand toutes les conditions sont réunies, de trop nombreuses personnes sont renvoyées aux urgences pour leurs dernières heures, la faute à l’impréparation, à la peur… La mort est un sujet tabou, chassé hors de l’espace social. Les professionnels et les aidants peinent à répondre face aux demandes pourtant répétées de personnes touchées par la maladie. Leurs souffrances psychologiques exprimées ou tues ne sont pas suffisamment prises en compte.

LE FANTASME DE LA MORT

Le témoignage posthume de Nicolas Menet, sociologue et directeur général de Silver Valley (décédé en février 2023) évoque avec force la nécessité de regarder la mort en face, de la préparer. Si les projets personnalisés sont acquis dans les pratiques des établissements, ils peinent encore à se développer à domicile. Or, c’est aussi l’occasion d’exprimer ses ultimes souhaits. Des outils sont à la disposition de tous avec les directives anticipées et la personne de confiance. Disponibles, mais peu utilisés voire totalement occultés, dans ce fantasme d’une mort renvoyée aux calendes grecques. Si les professionnels du soin travaillant en HAD ou en équipes palliatives sont formés et aguerris…ce n’est pas le cas dans les services à domicile. Intervenant souvent des années avant la fin de vie, ils ont pourtant noué des liens de confiance, connaissent les habitudes de vie, l’histoire familiale. Des connaissances ignorées des soignants. La collaboration de tous ces acteurs gagnerait donc à être renforcée pour offrir un accompagnement de qualité à la personne mourante et lutter contre l’isolement des professionnels du domicile.

AIDES A DOMICILE ET VIGIES

Accompagner un proche en fin de vie est une épreuve. Rien ne doit s’improviser dans ce moment si particulier : posture, vocabulaire, façon de communiquer ; des clefs essentielles pour mieux vivre la relation à l’autre et avoir des réponses adaptées. Avec « un temps du mourir » qui s’allonge, des cas de plus en plus complexes de fin de vie, les professionnels ont plus que jamais besoin de soutien. Si des plateformes d’écoute dédiées aux aidants familiaux ou professionnels se sont structurées, l’absence institutionnalisée des psychologues à domicile interroge forcément. A l’aube d’une discussion parlementaire sur la fin de vie, le débat ne devra pas se limiter aux pro et anti-euthanasie. Les acteurs du domicile attendent de voir leur rôle renforcé pour devenir de véritables vigies. Car dans la réalité, ces professionnels du quotidien arrivent souvent la boule au ventre, ne sachant pas s’ils vont trouver un usager mort ou mourant en ouvrant sa porte d’entrée.

  • Sommaire

ÉTAT DES LIEUX

  • Apprendre la finitude, Philippe Giafféri, conférencier et écrivain
  • Le chez soi et ses représentations, Boris Lassagne, docteur en psychologie clinique et psychopathologie, psychologue clinicien
  • Lever le voile sur un tabou, Laurence Hardy, sociologue et anthropologue
  • Finir chez soi, Etienne Bataille et Muriel Cormorant, avocats
  • Les effets du décès sur les relations contractuelles avec un service autonomie, Régis Granet, directeur juridique et qualité Fédésap
  • Pour un modèle français favorisant les soins paliatifs à domicile, Régis Aubry, chef de l’unité de médecine gériatrique et du département de médecine palliative Chu de Besançon et Franck Chauvin, présidence de l’instance de réflexion stratégique pour le développement des soins palliatifs

 

SUR LE TERRAIN

  • Ecarté au moment de la fin, Sandrine Bonnot, auxiliaire de vie
  • Tous solidaire d'une promesse, Mylène Laboyrie, aide-soignante et créatrice de Jolis moments
  • Temp et Crescendo, Florence Braud, aide-soignante et monitrice-éducatrice
  • Mourir chez soi : entre volonté individuelle et les barrières familiales, Véronique Tapia, assistante de soins en gérontologie et formatrice
  • Etre accompagné pour bien accompagné, Yolaine Desbois, fondatrice du réseau Animation à domicile
  • Une place marginale...mais demain ?, Laure Servat, responsable formation et développement RH ADMR
  • Un questionnement inévitable, Stella Choque, cadre de santé et formatrice
  • La prise en charge HAD : une pratique à plusieurs, Emmanuelle Auvity, psychologue en HAD  
  • S'aimer et se le dire jusqu'au bout, Carole Thiebaut, aidente et cadre service social
  • Un départ magnifique et terrible, Catherine Lemoine, aide-soignante et Baluchonneuse
  • Expériences croisées, Henry-Enrico Pastorini, psychologue clinicien et formateur et Véronique Adragna, auxiliaire de vie
  • Plateforme numérique au service des aidants, Valérie Meurou, référente politique du projet PSAPA et Maëva Guérin, chargée de projet PSAPA
  • Vivre et mourir libre, Nicolas Menet, sociologue et directeur général de la Silver Valley, décédé en février 2023

MISE EN PERSPECTIVE

  • Etre à l'écoute de celui qui meurt, Marion Villez, enseignant-chercheur, université Paris-Est Créteil
  • Posture d'accompagnement à poser, Catherine Villepreux, consultante et accompagnement d'organismes de formation
  • L'innovation numérique en santé dans un angle mort, Ambre Laplaud, docteur en droit de la santé, Cheffe de projets « innovation recherche » référente juridique et scientifique
  • Le bien mourir, Bernard Poch, psychogériatre et membre du bureau Fédération 3977 contre les maltraitances
  • Détresse existentielle méconnue, Benjamin Guérin, chercheur en philosophie (université de Besançon, ldA - UR 2274)
  • Pouvoir vivre à domicile jusqu'à la fin, si c'est son choix, est-ce vraiment possible ?  Didier Duplan, retraité, ancien DGA de la Fédération Adédom, membre du comité d’experts personnes âgées de la Fondation de France, Administrateur de l’Association de gestion des établissements des Petits frères des pauvres
Hors-série ASH N° 36 - Décembre 2023 - 44 pages
12,50
(ref: 1DDMH0036)