Isolement à domicile - Détecter et prévenir la fin de vie sociale

► Détecter et prévenir la fin de vie sociale

 Quand silence rime avec souffrance

LIEN SOCIAL FRAGILISÉ PUIS ROMPU.

Grandsparents, enfants, petits-enfants : trois générations vivant ensemble sous le même toit. Cette image familiale a pour ainsi dire totalement disparu du paysage français. Place à l’individualisme et au chacun « chez soi », chacun sa vie, dans son havre de paix.
À quel moment cette solitude, parfois ardemment souhaitée, se transforme-t-elle en une souffrance (P. 4-5) ? Tout commence quand la vulnérabilité s’invite à domicile : le lien se fragilise alors. Grand âge, veuvage, maladies chroniques, handicaps sont autant de facteurs qui favorisent l’isolement. L’association Petits Frères des pauvres parle d’une « triple peine » quand la solitude tutoie la pauvreté et la perte d’autonomie (P. 8-9). Tous les voyants sont dès lors réunis, que ce soit dans un département rural ou en plein coeur d’une grande métropole : aucun territoire n’est épargné (P. 24 et P. 30-31). Au cours des deux dernières années, la crise de la Covid a fortement participé à isoler les plus fragiles. Près de 530 000 personnes ont été traversées par cette « mort sociale » qui se traduit par une absence de contacts avec des conséquences parfois fatales : dépression, suicide, syndrome de glissement…
Et dans ces situations de quasi-assignation à résidence où l’environnement extérieur est pour ainsi dire inexistant, règne une zone de non-droit avec des difficultés pour accéder à des services accompagnées d’une perte de chances, d’une accélération de la dépendance (P. 6-7).

UN PEU DE CHALEUR…

Parfois, la venue de l’aide à domicile est le seul contact avec ce « dehors ». La seule conversation échangée. Une charge bien lourde pour les épaules frêles de ces professionnels souvent mal préparés à « gérer » ou même à « accompagner » le manque d’interactions sociales. Et pourtant, « repérer et prévenir le risque d’isolement » fait partie du référentiel des accompagnants éducatifs et sociaux. Mais pour quels objectifs ? Avec quels moyens ? Et surtout avec quels outils ? Les réponses restent à construire (P. 14). Seuls sur le terrain, les auxiliaires de vie enchaînent les rencontres mais se sentent, eux aussi, désespérément isolés (P. 15). C’est tout le paradoxe du métier. Et quand deux solitudes se rencontrent, l’échange n’est pas forcément au rendez-vous, faute d’envie ou de disponibilité (P. 10-11).
Dans ce désert relationnel, comment trouver un peu de chaleur ? Les bénévoles peuvent être un soutien indéfectible. Même si les experts constatent un désengagement des plus âgés sur le terrain, avec le réflexe d’un autoconfinement, d’une protection face aux virus qui peuvent tuer. Les équipes citoyennes sont une (autre) réponse, mais encore faut-il que leur déploiement soit synonyme de proximité (P. 34-35).
Le secteur du domicile n’est pas en reste. Citons le service Voisinage du côté d’Alençon (P. 25), une expérimentation conduite par La Croix-Rouge avec la volonté de ne plus se cantonner aux soins mais de soutenir les liens sociaux (P. 26-27), ou encore cette soignante qui est désormais engagée dans le Care (P. 23). Tous ont la (même) volonté de repousser la perte d’autonomie, d’apporter un peu de chaleur.
Conscient de la gravité de la situation, le Gouvernement a proposé l’instauration de deux heures hebdomadaires de convivialité pour les bénéficiaires de l’APA. À compter de 2024. Urgence relative. Et pour tous les autres ? Les jeunes ? Les personnes handicapées ? Les moins de 60 ans ? (P. 40-41)
À l’heure où l’isolement peut tuer, les insuffisances des politiques publiques sont pointées du doigt. Si certains centres communaux d’actions sociales misent sur la prévention, l’enjeu est plus que jamais de sortir d’une vision médico-sociale pour inscrire ces publics dits « fragiles » dans la citoyenneté et la prise en compte de l’expertise d’usage (P. 32-33).

  • Sommaire

ÉTAT DES LIEUX

  • Quand guette la fin de vie sociale, Michel Billé, sociologue
  • Le domicile, un enfermement du « dehors » ? Joran Le Gall, assistant de service social en psychiatrie et président de l’Anas
  • Les conséquences de la crise sanitaire, Alain Villez, président de l’association Petits Frères des pauvres
  • Rencontre et solitude, Philippe Giafferi, ancien formateur et conférencier
  • Le risque de l’abus de faiblesse, Étienne Bataille et Muriel Cormorant, avocats

 

SUR LE TERRAIN

  • Quelles pistes pour les professionnels ? Anne Rouzé, responsable de formation Connaissances partagées
  • La solution passe par le collectif, Aude Lauseig, Collectif national des aides à domicile
  • L’ennui, Florence Braud, aide-soignante et monitrice-éducatrice
  • Des choix consternants, Axelle Bijou, gérante d’un service à domicile
  • Sensibiliser à la vie sociale, Marie Étienne, pilote d’une plateforme d’accompagnement et de répit
  • Quand l’enfer germe au paradis, Monique Carlotti, ancienne directrice d’un service à domicile et formatrice
  • Le binôme aidant-aidé atteint de plein fouet, Claudie Kulak, fondatrice de la Compagnie des aidants et vice-présidente du collectif Je t’Aide
  • De professionnelle à bénévole, Stella Choque, cadre de santé et formatrice
  • De soignante à accompagnante, Emmanuelle Jousse, infirmière, formatrice et dirigeante de « En compagnie »
  • Médiateurs sociaux en soutien, Nourredine Bougrine, directeur de l’association Dunes (Développement urbain de nouveaux espaces sociaux)
  • Voisinage et convivialité, Amélie Barraud, neuropsychologue Amaelles UNA Alençon Perches
  • Retrouver le goût des autres, Laura Renard et Manon Lignier, coordinatrices autonomie du dispositif vivre@lamaison, Géraldine Roddier et Céline Bounon, ASG du dispositif vivre@lamaison d’Aillant-sur-Tholon, Karine Boyer et Nathalie Maillot, ASG du dispositif vivre@lamaison de Nîmes

 

MISE EN PERSPECTIVE

  • Quand l’écho du silence résonne, Charline Robert, psychologue en USLD et Ehpad
  • La double peine de la ruralité, Sylvie Schrepel, formatrice
  • Vers des environnements « amis des aînés », Angélique Giacomini, déléguée générale adjointe, responsable de la prospective Réseau francophone des villes amies des aînés, docteur en sociologie
  • Refonder le maillage du territoire grâce aux équipes citoyennes, Jean-François Serres, cofondateur de Monalisa
  • Une affaire de robots, Cécile Dolbeau-Bandin, enseignante-chercheuse, université de Caen
  • Résoudre les dilemmes éthiques, Jean-Pierre Coudre, directeur d’Atmosphère, service d’aide et de soins à domicile, Paris ; Karine Lefeuvre, conseillère droits et démocratie en santé ; Pr Claude Jeandel, conseiller médical, Fondation Partage et Vie
  • Se donner les moyens d’une société plus inclusive, Didier Duplan, retraité ancien directeur général adjoint de la fédération Adédom et membre du comité d’experts personnes âgées de la Fondation de France

 

Hors-série ASH N° 24 - Décembre 2022 - 44 pages
12,50
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