HS ASH Établissements

LA LIBERTÉ D'ALLER ET VENIR

► Trouver l’équilibre juste

Un retour en arrière ?

LIBERTÉ LENTEMENT ACQUISE. Historiquement, les établissements médico-sociaux ont d’abord été des lieux d’enfermement pour les personnes vulnérables. Dans ces institutions, le collectif a longtemps primé sur les besoins et les particularités individuels. Mais depuis (seulement) une vingtaine d’années, un mouvement d’ouverture s’est dessiné. Timidement, avant de prendre un peu plus d’ampleur. Inclusion, désinstitutionnalisation : derrière ces mots résonnent la volonté des établissements, mais aussi celle des aidants d’imaginer un nouveau système d’accompagnement, plus ouvert, plus libre. Les lieux de soins se sont dès lors transformés en lieux de vie où les résidents ont pu enfin émettre leurs choix. La liberté de décider, de participer et de consentir a commencé à peser. Reste à octroyer aux usagers une présomption en compétences. Les aidants professionnels ou familiaux ne sont désormais plus les seuls décisionnaires, les seuls qui imposent certains outils comme les nouvelles technologies sous prétexte de protéger leurs proches, mettant fin à leur (toute) puissance face à la vulnérabilité des personnes aidées.

DROIT ENTRAVÉ. L’envie de voir ce qui se passe derrière les clôtures des établissements s’est faite de plus en plus forte. Les portails sont désormais ouverts, les portes ne sont plus systématiquement fermées à clé… Le secteur du handicap a profité de ce sentiment de liberté, somme toute « conditionné, sinon la maison serait ingérable ». Reste qu’à l’heure de cette ouverture, certains lieux fermés ont essaimé pour les personnes souffrant de troubles cognitifs de type Alzheimer. Sous prétexte de les protéger, ces unités dédiées ont la particularité d’être fermées ou digicodées. Pour éviter que les usagers ressentent cet enfermement, les portes sont souvent cachées par des brise-vue ou aménagées dans des espaces peu lumineux. Au nom de la sécurité, l’enfermement est encore prôné. Mais pour de bonnes intentions, peut-on manipuler ou mentir à des personnes vulnérables ? De plus en plus d’experts ou de professionnels de terrain s’interrogent quand certains franchissent le pas en dressant un parallèle avec le milieu carcéral. Si la iatrogénie médicamenteuse est aujourd’hui acquise, ce n’est pas encore le cas pour la iatrogénie environnementale. Et pourtant, d’autres modèles sont possibles. La preuve avec le village landais Alzheimer, même si les réflexions sur le papier se sont confrontées à la réalité du terrain et à la pandémie mondiale.

PANDÉMIE RÉVÉLATRICE. Si la Covid-19 a changé notre vie, les personnes vulnérables sont sans doute les plus impactées avec un mouvement de liberté clairement freiné pour ne pas dire stoppé. La mort sociale a été privilégiée pour éviter la mort biologique alors que les syndromes de glissement en Ehpad ont été nombreux. À l’heure où le droit à la liberté est entravé, les questionnements éthiques se posent. Les pratiques étant lentes à changer, comment renouer les liens sociaux dans ce contexte sanitaire ? Si l’ouverture est une voie d’avenir, garante d’une meilleure qualité de vie pour les usagers, cet espace de liberté leur sera-t-il garanti ou même seulement proposé ? Accompagner les déambulations, proposer des soins personnalisés, trouver des solutions proportionnées… Oui, des voies alternatives existent, mais les équipes épuisées auront-elles la force de s’y engager ? Ne plus opposer liberté et sécurité, mais trouver l’équilibre juste. C’est le défi des prochaines années.

  • Sommaire

ÉTAT DES LIEUX

  • Quand la protection aboutit à l'empêchement, par Laurence Hardy, sociologue anthropologue
  • La liberté, une faculté réelle, par Philippe Giafferi, ancien formateur et conférencier
  • Déambulation, fugue, errance : que dit la loi ? par Étienne Bataille et Muriel Cormorant, avocats
  • "Je m'appelle Gérard, j'ai 81 ans", par Laurent Garcia, cadre de santé et fondateur de l’Observatoire du grand âge
  • Pour une approche centrée sur la personne, par Judith Mollard, psychologue clinicienne

SUR LE TERRAIN

  • L'impact psychique des contentions, par Salomé Tonna, psychologue
  • Égarons-nous ! par Nathalie Benarroch-Queral, psychologue gérontologue
  • Et si nous laissions les portes ouvertes ? par Véronique Tapia, assistante de soins en gérontologie
  • La "mise sous cloche" des Ehpad, par David Cardillo, directeur d’Ehpad
  • L'exemple du Village landais Alzheimer, par Gaëlle Marie-Bailleul, médecin référent, et Pascale Lasserre-Sergent, directrice du Village landais Alzheimer
  • Adaptation et accompagnement, par Karine Le Long, coordinatrice de projets en IME
  • Des sorties adaptées et personnalisées, par Manuela Deparis, monitrice-éducatrice
  • Une lente évolution des mentalités et des pratiques, par Katy Giraud, consultante pour le cabinet Advisoria, conseil et formation - secteur social et médico-social
  • Liberté conditionnée, par Marcel Nuss, formateur et écrivain

MISE EN PERSPECTIVE

  • En finir avec la banalisation bienveillante des restrictions de liberté, par Stéfane Hédont-Hartmann, directeur éthique, médical Korian
  • "J'm'en sors", par Cyril Ciacnoghi, formateur BPJEPS au CRP de Bourg-en-Bresse
  • Alzheimer, Covid-19 et maltraitance institutionnelle, par Bernard Poch, psychogériatre
  • Les formes architecturales de l'enfermement, par Fany Cérèse, docteure en architecture, Atelier AA (architecture humaine)
  • Dépassons-nous les limites ? par Manon Labarchède, architecte D.E, docteure en sociologie, chercheuse postdoctorale à l’université du Québec à Rimouski
  • La technologie au service de la liberté, par Alain Franco, gérontologue, gérontechnologue, professeur honoraire de médecine et président de l’université inter-âges du Dauphiné, UIAD
  • Une certitude : un changement de regard et une vigilance inédite, par Karine Lefeuvre, vice-présidente du Comité consultatif national d’éthique, conseillère scientifique de la Fondation Partage et Vie
     
Hors-série ASH N° 13 - Janvier 2022 - 44 pages
11,50
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