La nuit à domicile

► La continuité de l'accompagnement en jeu

ZONE GRISE SCIEMMENT IGNOREE

FAIRE FACE, SEUL…

Passer dans la salle de bains puis aller se coucher. Se relever pour chercher un livre oublié au salon. Autant de gestes anodins dont sont privées les personnes dépendantes qui ont fait le choix de vivre à domicile. Quand la perte d’autonomie ou le handicap empêche tout déplacement sécurisé, comment continuer à vivre selon son rythme de vie ? Si la journée, la question se pose moins avec le balai incessant des auxiliaires de vie et autres soignants ou la présence bienveillante d’un proche, dès que le soleil se couche, c’est une tout autre histoire, plus angoissante. Pendant dix à douze heures, il faudra faire face, seul, avec une même obsession : limiter les mouvements, ne pas tomber, ne pas être hospitalisé, ne pas être contraint de quitter son repaire.
À l’heure où le virage domiciliaire est sacralisé, les pouvoirs publics ont omis non pas un détail, mais près de 12 heures quotidiennes pendant lesquelles l’accompagnement de nuit des personnes vulnérables constitue une sorte de zone grise peuplée d’isolement et d’absence de solution. La perte d’autonomie et la médicalisation sonnent-elles le glas du maintien à domicile et invitent-elles insidieusement à l’entrée en institution ?
La loi ASV de 2015 a favorisé la mise en place d’expérimentations de nuit, le droit au répit se développe par ailleurs autour du relayage à la française, mais l’offre s’avère clairement insuffisante pour couvrir les besoins sur l’ensemble du territoire

VISITEURS DU SOIR, GARDES ITINÉRANTES ET ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE.

Les problématiques vécues la nuit sont de véritables « casse-tête» pour les professionnels du domicile. Quand la dépendance n’est plus « gérable », ils ne voient pas d’autre alternative que d’orienter les usagers et leurs aidants vers un établissement voisin.
Face à ce désert de l’accompagnement nocturne, certains pionniers apportent une pierre à l’édifice d’une continuité des soins, que ce soit les visiteurs du soir opérationnels depuis déjà un quart de siècle à Saint-Lô ou plus récemment la garde de nuit itinérante du côté du Béarn ou dans le Morbihan. Si les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) sont mobilisés, du côté des services à domicile, l’engagement semble plus timide. La faute à un secteur qui peine à recruter, qui s’appuie sur des mères de famille, parfois célibataires qui ne peuvent pas se permettre de rentrer chez elles à des heures trop tardives. Être en perte d’autonomie et vouloir vivre chez soi selon ses envies, n’est-ce pas une attente illusoire ? Cathy Meunier, directrice d’un service à domicile prouve le contraire. C’est possible, mais à condition d’être obstinée. D’autres ont fait le choix dans l’Ouest Vosgien d’apporter leurs expertises à domicile pour évaluer les troubles du comportement nocturnes et misent sur l’éducation thérapeutique apportée aux aidants avec l’objectif pour tous de retrouver des nuits apaisantes.

RETOUR AUX SOURCES.

Qu’ils soient aides-soignants ou auxiliaires de vie, ceux qui ont sauté le pas ne reviendraient pour rien au monde en interventions de jour. Tous mettent en avant un retour aux sources avec le luxe de pouvoir (enfin) prendre le temps d’écouter et ainsi de prendre soin.
En posant la question de l’accompagnement de nuit, s’ouvre inévitablement une réflexion autour du soutien à domicile. Rester quoiqu’il en coûte chez soi peut conduire à une forme de maltraitance quand le professionnel soumis à la pression des aidants ferme à clef une porte en laissant derrière seule une personne vulnérable pendant plusieurs heures.
Une organisation globale de proximité sur les territoires devrait permettre aux personnes de rester chez elles, de jour comme de nuit en toute sécurité et en respectant leur dignité. Oui, à condition de penser, de structurer cette organisation et de la financer. Ce n’est toujours pas le cas en France.

  • Sommaire

ÉTAT DES LIEUX

  • Et la nuit viendra, Philippe Giafféri, ancien formateur et conférencier
  • L'angoisse révélée, Professeur Louis Ploton
  • La nuit de tous les dangers, Laurence Hardy, sociologue et anthropologue
  • Avenant protecteur, Régis Granet, directeur juridique Fédésap

 

SUR LE TERRAIN

  • Uniquement en théorie, Pascale Weill-Paris et Carméline Mokrani, formatrices Afpa
  • Un équilibre de vie, Anne Lauseig, assistante de vie
  • Regards croisés, Quentin Amato, assistant de vie, Collectif national des aides à domicile, et Philippe Fontanel, aide-soignant
  • Des visiteurs du soir, Bérangère Riquet, infirmière coordinatrice et responsable Ssiad et CCAS Saint-Lô
  • L'itinérance en zone rurale, Christelle Larguier, infirmière coordinatrice en retraite
  • Accompagner et sécuriser, Sylvie Alric Metayer, directrice adjointe Fédération ADMR du Morbihan
  • L'aide à domicile autrement, Cathy Meunier, gérante ADN 87
  • Veiller, même quand on dort, Fabienne Flichau, aide-soignante et Baluchonneuse et Frédérique Lucet, psychologue, cofondadtrice et administratrice de Baluchon France
  • Vous dormez quand, vous ? Catherine Lemoine, Baluchonneuse et aide-soignante en Mas et IME
  • Le moment redouté des aidants, Marie Etienne, pilote plateforme d'accompagnement et de répit
  • La nuit, c'est une tout autre histoire, Gwénaël André, infirmier et formateur
  • Constat d'échec, Axelle Bijou, gérante d'un service à domicile
  • Plus belle la nuit... Mais seulement en rêve, Marcel Nuss, écrivain et formateur

 

MISE EN PERSPECTIVE

 

  • Les risques et leur prévention, Christophe Pelletier, responsable qualité union VYV3
  • L'acceptation des solutions techniques en jeu, Gérard Cornet, gérontologue et enseignant
  • Les limites du domicile, Bernard Poch, psychogériatre
  • Ethique et rythme de vie, Monique Carlotti, ancienne directrice service à domicile et ancienne formatrice
  • L'entrée en institution est-elle la seule altrernative ? Didier Duplan, retraité, ancien directeur général adjoint de la Fédération Adédom et membre du Comité d'experts Personnes âgées de la Fondation de France

     
Hors-série ASH N° 27 - Mars 2023 - 44 pages
12,50
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