La réflexion éthique en établissement

► Retrouver du sens

PENSER ENSEMBLE

Bienvenue dans le monde des injonctions paradoxales

Vérifier que la porte d’entrée est bien verrouillée par le digicode tout en sachant que plusieurs résidents n’attendent qu’une seule chose : fuir très loin. Interroger deux usagers pour être certain que leur relation est bien consentie alors que les parents vont réprouver. Et que dire de cette personne qui ne se déplace plus qu’à « quatre pattes » ? L’équiper de genouillères ou l’installer dans un fauteuil avec une contention ? Bienvenue dans le monde réel des professionnels qui accompagnent des personnes vulnérables dans des établissements sociaux ou médico-sociaux. Et voilà comment l’éthique s’invite matin, midi et soir dans leur quotidien.
Pendant de nombreuses années, les professionnels de terrain ont regardé (de loin) les sachants débattre de questionnements éthiques qu’ils considéraient davantage comme des discussions philosophiques. Désormais, il se sentent concernés. Eux, en première ligne, doivent arbitrer, décider. En équipe et parfois seul. Mais toujours avec la même appréhension : « Est-ce le bon choix ou le moins pire ? » Depuis près de trois ans, la crise sanitaire a accéléré les prises de conscience face à des injonctions paradoxales et des situations de plus en plus complexes. A l’heure où l’éthique a semble-t-il remplacé la morale, devenue désuète, la question de la quête du sens se pose plus que jamais. Telle une nécessité, l’éthique démocratique a pris le pouvoir sur l’éthique élitiste.

Un besoin pragmatique de terrain

Depuis la loi 2-2002, les établissements sanitaires sont assujettis à des obligations, ce n’est toutefois pas encore le cas pour les structures médico-sociales. Et pourtant, elles sont de plus en plus nombreuses à se saisir du sujet. Et là, pas de recette miracle, mais des pistes que les espaces régionaux de réflexion éthique partagent sur leur territoire d’action autour des notions d’autonomie, d’accessibilité, de diffusion et de partage. Certaines fédérations ou associations proposent déjà des animations, des événements ou encore des formations pour évoquer les dilemmes rencontrés. D’autres ont fait le choix de créer des comités dédiés avec des rencontres mensuelles ou trimestrielles. Plus aventureux, des pionniers ont misé sur l’ouverture avec des réunions inter-établissements ou inter-associations. L’enjeu est toujours de penser collectivement, de prendre du recul, d’échanger. Le plus difficile n’est pas de trouver LA bonne réponse mais de s’interroger. C’est toute la subtilité.

Prendre enfin le temps

Ces rendez-vous attendus sont l’occasion de faire une pause, autour d’une table. Apprendre à se taire, à écouter, à se mettre à la place de l’autre, sans obligation de courir pour passer d’une personne à l’autre. Prendre enfin le temps dans un secteur qui en manque cruellement face aux changements qui se dessinent. Côte à côte des membres de direction et des personnels de terrain croisent leurs regards. Humblement, ils réfléchissent ensemble. Si la culture de l’interdisciplinarité n’est pas encore acquise en France, certains ont décidé d’aller plus loin, en ouvrant leur espace de réflexion aux usagers qu’ils soient âgés ou en situation de handicap mental. Ces tentatives couronnées de succès sont possibles à condition de respecter le rythme de chacun, d’utiliser un langage simple, d’adapter les outils. C’est en tout cas une des voies vers l’autodétermination et vers un changement de pratique où l’expression « avec eux » remplacera enfin le traditionnel « pour eux ».

  • Sommaire

ÉTAT DES LIEUX

  • Cultivons ensemble, Karine Lefeuvre, vice-présidente du CCNE, professeure à l'EHESP
  • Une démarche complexe, Michel Billé, sociologue
  • Enquête de sens, Philippe Giafféri, ancien formateur et conférencier
  • Que dit la loi ? Etienne Bataille et Muriel Cormorant, avocats
  • Des points d'attention Pierre-Emmanuel Brugeron, responsable des ressources, Espaces éthique Ile-de-France

 

SUR LE TERRAIN

  • Pourquoi et comment s'interroger ? Mathilde Capoulade, chargée d'animation réseau social et médico-social, Peggy Jehanno, directrice, Caroline Urbain, présidente Uriopss des Pays de la Loire et Miguel Jean, directeur de l'Espace de réflexion éthique des Pays de la Loire
  • Une exigence, une nécessité, Pascale Gerardin psychologue clinicienne spécialisée en neuropsychologie, CMRR de Lorraine
  • Spécificités liées à la gériatrie, Denis Soriano, médecin gériatre
  • Réfléchir ensemble, Véronique Tapia, assistante de soins en gérontologie et formatrice
  • Une ambition : "Ne faites rien pour nous sans nous", Evelyne Marion, responsable régionale de l'offre de service APF France Handicap, direction régionale Bourgogne France Comté, Gilles Sugny, parent et proche aidant et Estelle Chatelin, résidente d'un foyer
  • Animateur, au savoir-être indispensable, Katy Giraud, formatrice et animatrice de trois espaces de réflexion éthique
  • Des comportements qui interrogent, Nathalie Benarroch-Quéral, psychologue
  • Si on savait..., Gilles Tessens, aide médico-psychologique et formateur
  • Conseil de vie sociale enrichi, Olivier Pernelle, chef de service
  • Savoir écouter leurs voix, Stella Choque, cadre de santé et formatrice
  • "Avec et pour autrui", Jean-Pierre Boissonnat, administrateur Gepso
  • Mise en réseau en Île-de-France, Anne-Caroline Clause-Verdreau, médecin de santé publique chargée de l'observatoire des pratiques éthiques, espace éthique Île-de-France

 

MISE EN PERSPECTIVE

  • Une attention et un engagement éthiques responsables, Emmanuel Hirsch, directeur de l'éthique, groupe Orpéa, Professeur émérite d'éthique médical, Paris Saclay
  • L'éthique ordinaire, Judith Arnoult, infirmière et formatrice en éthique médicale
  • "Suivre une idée du bien", Sébastien Briouze, directeur d'Ehpad
  • Accompagner au vote les personnes sous tutelle, Cyril Desjeux, directeur scientifique Handéo et sociologue
  • Du temps, de la formation et une autre culture, Régis Aubry, chef du pôle autonomie-handicap au CHRU de Besançon, membre du conseil consultatif national d'éthique 
  • Elargie le champ des possibles, Laïla Bougis, directrice adjointe, Epnak Île-de-France

     
Hors-série ASH N° 28 - Avril 2023 - 44 pages
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