HS ASH Alzheimer

LE RESPECT DU RYTHME DES USAGERS

► Un défi au quotidien

Habitudes de vie : un luxe confisqué ?

IMPOSSIBLE D’ÉCOUTER SON RYTHME. Choisir le bon moment pour sortir de son lit, boire un café, prendre sa douche. Avoir la possibilité de se relever en pleine nuit pour se servir une tisane ou manger quelques délices sucrés. Un droit ? Non, plutôt un luxe. Quand la perte d’autonomie due aux troubles cognitifs s’installe, quand le besoin d’assistance se fait sentir, c’est tout un rythme de vie qui se voit déréglé, que ce soit à domicile ou en établissement… Même si ce n’est pas pour les mêmes raisons. Si la grande majorité des Français souhaite vivre le plus longtemps à domicile, elle est vite confrontée aux difficultés organisationnelles des services à domicile. Avec notamment pour conséquence, des horaires de passages imposés qui ne correspondent pas à leurs habitudes de vie. Dans la réalité, les personnes malades et leurs aidants doivent s’adapter aux innombrables interventions des professionnels et batailler pour trouver une solution personnalisée non intrusive. Dans les structures, l’histoire sociale, l’organisation carcérale et monacale de surveillance pèsent toujours. Difficile de se séparer de cette pratique culturelle où le collectif l’emporte : horaires précis pour les levers, les couchers, les prises de repas, toilettes à la chaîne… Alors même que le projet d’accompagnement personnalisé vient de fêter ses vingt ans avec l’instauration de la loi du 2002-2. De l’« abattage » au respect du rythme, il y a plus qu’un pas. Un fossé. Faute de temps, de personnels formés et en nombre suffisant, de résistance au changement, la perte d’autonomie s’accompagne inévitablement d’une perte de liberté des rythmes individuels.

ÉCOUTER, S’ADAPTER : DES PRATIQUES QUI ESSAIMENT. Dans ce contexte, conserver ses marques est essentiel pour des personnes dont les troubles cognitifs vont progressivement brouiller les repères. Si l’institution est censée s’adapter aux besoins de la personne, force est de constater que dans la grande majorité des cas, ce n’est pas la règle, bien au contraire. L’origine de cette organisation si cadrée ne tient-elle pas au fait de privilégier les besoins et les rythmes des professionnels ? C’est le constat d’une pionnière, directrice d’un Ehpad public dans la Marne. Il y a dix ans, Françoise Desimpel inventait « le Noctambule », service d’accompagnement de nuit. S’ensuivit une prise de conscience collective de ses équipes : il fallait reconsidérer l’organisation. Une révolution qui ne se décrète pas, mais qui demande des efforts, de l’abnégation et de l’engagement. Partout en France, des initiatives sont menées : habitat inclusif, baluchonnage, choix d’une structure à taille humaine… Avec, toujours, la volonté de suivre le rythme de chacun.

INVENTER UN AUTRE MODÈLE. Par ailleurs, des réflexions sont également engagées. Les équipes s’interrogent sur l’éthique, sur les conséquences des unités fermées. Elles ont certes l’avantage d’accueillir un nombre limité de personnes pour qui le « comme à la maison » est privilégié… mais elles « enferment » des usagers qui sont réorientés dès que la dépendance le nécessite. Les professionnels ne veulent plus subir un modèle économique et demandent un changement de paradigme : ils souhaitent que la qualité de vie de la personne malade soit sanctuarisée, à domicile comme en établissement. Oui, ils peuvent faire de petits miracles à leur échelle, mais ils ont aussi besoin de l’appui des politiques et des administrations, pour que les financements suivent, pour que les expérimentations se déploient sur le territoire et deviennent pérennes.

  • Sommaire

ÉTAT DES LIEUX

  • Chez vous chez nous, par Laurence Hardy, sociologue et anthropologue
  • À chacun son chemin, par Philippe Giafferi, écrivain et conférencier
  • L'enjeu du repérage, par Anne-Julie Vaillant-Ciszewicz, psychologue clinicienne, docteure en psychologie, Projet Bien Vieillir, laboratoire de recherche CoBTeK, chargée d’enseignement université Côte d’Azur, CHU de Nice - Hôpital de Cimiez
  • Une réponse adaptée à chacun, par Étienne Bataille et Muriel Cormorant, avocats

SUR LE TERRAIN

  • Casse-tête à domicile, par Marie Étienne, pilote plateforme d'accompagnement et de répit
  • Le choix d'une entreprise à taille humaine, par Axelle Bijou, directrice de service d'aide et d'accompagnement à domicile (Saad)
  • Vers un changement de paradigme ? par Olivier Marousé, ergothérapeute en ESA
  • La maison du Thil, l'exemple d'un habitat inclusif, par Blandine Binet, coordinatrice de projet de vie sociale et partagée
  • L'unité de vie protégée en question, par Abéline Moreau, directrice de la filière gériatrique du CH de Troyes, et Sylvain Bukovec, élève directeur d'ESSMS à l'Ehsep
  • Gastronomie : équilibre normé entre besoin et plaisir, par Sabine Soubielle, formatrice, directrice de l'Institut Gineste-Marescotti Restauration (Humanitude Restauration)
  • Comprendre les refus, par Magali Lesieur, formatrice Afpa
  • Dans la mesure du possible... par l'équipe de l'unité Alzheimer, résidence Geneviève Menoux
  • Écouter la parole et les envies de l'usager, par Stella Choque, cadre de santé formatrice IRFA Évolution
  • Oiseaux de nuit, par Véronique Tapia, assistante de soins en gérontologie
  • Nuitamment, mais sûrement, par Fabien Marcangeli, responsable du département personnes âgées, direction de l'offre médico-sociale ARS Paca
  • Avec l'oreiller pour chef d'orchestre, par Françoise Desimpel, directrice d'un Ehpad public

MISE EN PERSPECTIVE

  • Allegro ma non troppo, par Charline Robert, psychologue
  • Les limites de l'accompagnement personnalisé, par Florence Dumas, psychologue en Ehpad
  • Domicile : manque de temps, de souplesse et de recrues, par Monique Carlotti, formatrice et ancienne directrice Saad
  • Cocon et baluchon, par Frédérique Lucet, psychologue clinicienne, formatrice, secrétaire générale de Baluchon France et adjointe chargée du portage politique du Collectif Je t'Aide
  • Prendre soin, aussi, de l'organisation, par Laure Jouatel, gériatre, médecin coordonnateur référent LNA Santé
Hors-série ASH N° 14 - Février 2022 - 44 pages
11,50
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