HS ASH Domicile
SECRET PROFESSIONNEL
► Entre confiance et responsabilité
Confidences, quotidien et responsabilités
SECRET PROFESSIONNEL. Derrière ces mots se cachent des droits et des devoirs. Si dans l’inconscient collectif, le médecin est placé tout en haut de cette pyramide, qui se doute que les aides à domicile sont, elles aussi, soumises au secret professionnel ? Depuis la loi du 26 janvier 2016, l’obligation pénale venue du sanitaire a été étendue aux professionnels du secteur social et médico-social. Ce cadre strict de travail, encore trop méconnu, renvoie à une responsabilité individuelle où chaque situation est particulière. Dans un quotidien de solitude, les aides à domicile communiquent par téléphone ou par écrit. Ils parlent à leurs collègues, à leur direction, parfois à d’autres professionnels croisés au détour d’une intervention, mais aussi et surtout aux usagers. Pèsent-ils pour autant chaque mot prononcé ? Quand une personne aidée demande des nouvelles de sa voisine ou de sa cousine suivie par le même organisme, le professionnel avoue-t-il qu’il ne peut pas répondre à cette question si anodine ?
PARTAGE D’INFORMATIONS : SUJET SENSIBLE. Continuité des soins, liste de professionnels autorisés avec un périmètre bien défini, accord préalable et consentement ; autant d’éléments définis par la loi, mais qui peuvent être vite oubliés ou pas suffisamment acquis. Ces restrictions entravent-elles la coordination ? Le partage est vécu par certains comme essentiel pour un accompagnement adapté et coordonné. Reste que des responsables de service à domicile choisissent de taire des informations sur les pathologies des usagers, par exemple, pour éviter tout préjugé. Avoir, ou non, suffisamment d’information : une injonction paradoxale devenue une réalité pour tout un secteur. L’ultime paradoxe réside dans ce que les aides à domicile sont souvent mis à l’écart des formations dédiées à ce texte réglementaire ; les sensibilisations restent encore trop parcellaires. Dans la pratique, sans protocole, ils devront savoir se taire, ne pas « dire », dans certains cas bien particuliers. La loi prévoit des exceptions où le professionnel devra rompre ce secret pour protéger une personne vulnérable. L’analyse fine soumise à une obligation de signalement repose sur leurs épaules parfois frêles.
FORMER, SENSIBILISER ET EXPLIQUER. Mais pour s’approprier cette notion, encore faut-il que les postures soient appréhendées dès les formations initiales. Car oui, ces professionnels du quotidien sont exposés, en intervenant au coeur de l’intimité. Des secrets sont échangés, quand la relation de confiance se noue. Des informations implicites ou des silences sont parfois relevés par les professionnels, qui s’en trouvent démunis. Si la diffusion des informations est désormais réglementée, l’enjeu de la professionnalisation du secteur est d’apprendre à communiquer dans un exercice complexe qui relève parfois de l’équilibrisme.
RECONNAISSANCE DU SECTEUR. À l’heure où de nombreuses personnes vulnérables sont isolées, la parole est parfois un luxe, un moment tant attendu. Alors comment ne pas commettre d’impair et ne pas tomber dans l’éthique du commérage pour des professionnels acteurs et spectateurs de l’intimité ? En zone rurale, parler c’est tisser du lien. Le secret est encore plus difficile à respecter et pourtant, plus nécessaire encore. Finalement, il est une reconnaissance du métier et de son exigence dans la théorie. Reste à le rendre public dans la pratique, à communiquer pour que ces « petits » métiers (re)trouvent enfin leur titre de noblesse.
- Sommaire
ÉTAT DES LIEUX
- Auto-conception, par Antoine Guillet, assistant social, sociologue, co-animateur du site www.secretpro.fr
- Strict cadre de travail, par Christophe Pelletier, responsable qualité, union VYV3 Île-de-France
- Équipe de soins, par Vincent Vincentelli, juriste à l’UNA (Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles)
- Postures à appréhender, par Séverine Samson, formatrice Askoria
- Échange personnel, par Philippe Giafferi, ancien formateur et écrivain
SUR LE TERRAIN
- Éthique du commérage, par Marcel Nuss, formateur et écrivain
- Partager pour protéger, par Sylvie Guillemot, auxiliaire de vie
- Entrer dans le domicile, c'est entrer dans l'intimité, par Mariem Majdi, directrice d’Actiomservice
- Transmission et confidentialité, par Monique Carlotti, ancienne directrice de service d’aide et d’accompagnement à domicile et formatrice
- Questionnement éthique, par Ludivine Machard, responsable de secteur, et Magali Amrani, directrice Au Pays des Vermeilles
- D'une maison à l'autre, par Florence Braud, monitrice-éducatrice et aide-soignante
MISE EN PERSPECTIVE
- S'en mêler sans s'emmêler, par Laurence Hardy, sociologue-anthropologue
- Des outils en appui, par Axelle Bijou, gérante AD Seniors Mérignac
- Injonctions paradoxales, par Didier Duplan, retraité, ancien DGA de la fédération Adédom, membre du comité d’experts personnes âgées de la Fondation de France (dans tous les domaines de l’intérêt général, la Fondation de France sélectionne et soutient les meilleurs projets, grâce aux comités d’experts bénévoles)
- Spécificité du milieu rural, par Sylvie Schrepel, formatrice
- Protection de l'enfance : un enjeu majeur, par Séverine Iffy, directrice centre de formation ADMR
- Violences intrafamiliales, par Étienne Bataille et Muriel Cormorant, avocats
- Petites informations, grandes responsabilités, par Laurent Puech, assistant social