HS ASH Domicile

VIOLENCES SEXUELLES

► Accompagner la parole

Un risque professionnel sous-évalué

PARLER POUR DÉNONCER. Octobre 2017. L’affaire Weinstein éclate. Depuis, le mouvement MeToo a déferlé. Les victimes osent enfin parler. Haut et fort. Les violences et les agressions sexuelles ne sont plus ni tues ni tolérées. Les premières à briser le silence ont été des femmes connues, évoluant dans des sphères socialement protégées : actrices, militantes, chanteuses… Depuis, le mouvement s’est inscrit dans la durée. De nombreuses anonymes se sont jointes à cette déferlante en se manifestant sur les réseaux sociaux ou en saisissant la justice. À l’heure où les violences sexuelles apparaissent enfin à la une de l’actualité, où les commissions d’enquête se multiplient sur le terrain, le domicile reste encore et toujours le lieu de l’intime où il est difficile de s’exprimer et ainsi d’être entendu. C’est dans ce cadre que les auxiliaires de vie et autres aides à domicile interviennent. Seules, sans avoir été sensibilisées, elles accompagnent des personnes vulnérables, dont certaines pathologies peuvent entraîner des comportements sexuels déviants. Propos vulgaires, mains baladeuses, gestes brutaux ou dégradants. C’est bien cette réalité, la leur, qui est mise au jour par l’étude inédite réalisée par l’université de Poitiers.

ENTENDUE, SOUTENUE. Comment réagir quand on n’est ni préparée, ni soutenue ? Quand les conditions de travail et d’emploi sont dégradées, quand on est une femme seule, que l’on a des enfants à nourrir et que l’on est clairement en situation de fragilité économique et sociale ? Comment ne pas être exposée ? Comment agir lorsque l’on est le témoin indirect de violences sexuelles ou si de sérieux doutes existent quant à la nature d’un hématome ? Comment comprendre certains silences ? Autant de situations difficiles à appréhender pour ces femmes et ces hommes venus au départ pour aider une personne dans l’exécution de gestes de la vie quotidienne. Parler et partager sont, comme toujours, les premières voies pour appréhender la situation puis rechercher des solutions. Encore faut-il être entendue et encouragée. C’est le rôle principal des employeurs : protéger des salariées exposées dans une société qui continue de nier les désirs charnels des personnes très âgées ou en situation de handicap, qui peuvent être tour à tour victimes ou bourreaux.

GÉNÉRALISER LE CADRE PROTECTEUR. Les professionnels le savent, pour se préserver, des attitudes sont à privilégier : tenues vestimentaires plutôt larges, bannir les petits noms ou le tutoiement sous la douche, bien choisir ses mots pour éviter toute incompréhension. Parfois, et malgré toutes ces précautions, la situation dérape. Le Baluchonnage a posé un cadre protecteur duquel pourraient s’inspirer les services à domicile : la mixité des intervenants, ne pas isoler les salariées en leur proposant une permanence clinique 24 heures sur 24. L’enjeu est d’instaurer une véritable politique de prévention pour ces professionnelles encore identifiées comme « la bonne à tout faire ». Les formations et autres sensibilisations sont encore déficitaires et insuffisantes. L’engagement de chacun des acteurs est nécessaire pour espérer sur ce front une éclaircie : amélioration des conditions d’emploi, formations des intervenants, sensibilisations des bénéficiaires et soutien des professionnels avec un mot d’ordre : mettre fin au mécanisme d’euphémisation.

  • Sommaire

ÉTAT DES LIEUX

  • Penser les sexualités des personnes vulnérables, un exercice ardu, par Mariem Majdi, directrice d’un service d’aide à domicile, et Florence Leggio, coach des transitions professionnelles ancienne responsable de secteur et formatrice ADVF
  • Victime ou témoin : que dit la loi ?, par Étienne Bataille et Muriel Cormorant, avocats
  • Réalité des conséquences psychotraumatiques, par Muriel Salmona, docteure psychiatre, présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie, membre de la Ciivise, auteure du « Livre noir des violences sexuelles », 2e ed. Dunod 2019 et de « Violences sexuelles 40 questions – réponses incontournables », 2e ed. Dunod, 2021
  • Des mots pour des maux, par Philippe Giafferi, consultant et ancien formateur
  • Un métier marqué par la précarité et l’isolement, par Alexandra Garabige, sociologue
  • Étude inédite relevant la fréquence des actes de violences, par Hélène Stevens, maîtresse de conférences en sociologie, université de Poitiers

SUR LE TERRAIN

  • La maison silencieuse, par Florence Braud, aide-soignante et monitrice-éducatrice
  • Après l’alcool, la parole, par Céline Le Boulaire, psychomotricienne
  • La violence sexuelle entre époux âgés : un tabou à lever, par Stella Choque, cadre de santé, formatrice
  • Le devoir des employeurs, par Audrey Blin, directrice UNA Alençon Perche
  • Rester en vigilance pour nos intervenants, par Valérie Huguenin, directrice de l’agence Senior Campagne Paris 7-15
  • L’accompagnement sexuel : d’objet de soin à sujet de désirs, par Magdalena Decorje, accompagnante sexuelle
  • Problème latent de société, par Vincent Fries

MISE EN PERSPECTIVE

  • Les bonnes pratiques au défi du quotidien, par Frédérique Lucet, psychologue clinicienne et formatrice, secrétaire générale de Baluchon France
  • Pathologies cognitives et comportements sexuels déviants, par Faustine Gerbelot, psychologue
  • Prévoir, c’est déjà agir, par Anne Chervet, psychologue
  • Élaborer une politique de prévention, par Hélène Stevens, maîtresse de conférences en sociologie, université de Poitiers
  • La « juste » proximité au centre de l’accompagnement, par Laurence Hardy, sociologue anthropologue
  • Des silences aux savoirs, par Alice Casagrande, présidente la Commission nationale lutte contre la maltraitance, promotion de la bientraitance
  • Fragilité, intimité, impunité ?, par Franck Guichet, sociologie émiCité
Hors-série ASH N° 12 - Décembre 2021 - 44 pages
11,25
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